D’une ère de subventions à une ère de contribution
Le récent budget 2025-2026 du gouvernement du Québec marque un tournant décisif dans la politique d’électrification des transports de la province. Après plus d’une décennie d’incitatifs financiers pour encourager l’adoption des véhicules électriques, Québec annonce clairement la sortie progressive de ce modèle pour passer à une approche où les propriétaires de VÉ contribueront davantage au financement des infrastructures. Cette transition reflète la maturation du marché des véhicules électriques et la nécessité d’assurer un financement durable des infrastructures routières.
Les derniers incitatifs : un compte à rebours de 21 mois
Le ministre des Finances, Éric Girard, a confirmé que le programme Roulez vert sera prolongé à partir du 1er avril 2025, mais avec une date d’expiration définitive fixée au 1er janvier 2027. Durant cette période transitoire d’environ 21 mois, les Québécois pourront encore bénéficier de:
- 4 000 $ de rabais pour l’achat d’un véhicule entièrement électrique ou à pile à hydrogène neuf
- 2 000 $ pour un hybride rechargeable neuf
- 2 000 $ pour un véhicule électrique usagé
- 1 000 $ pour une moto électrique
Ces subventions resteront accessibles uniquement pour les véhicules dont le prix de vente est inférieur à 65 000 $, maintenant ainsi le cap sur la démocratisation de la mobilité électrique.
2027 : nouvelle année, nouvelles règles
Le budget dessine un paysage radicalement différent à partir de 2027. Trois changements majeurs entreront en vigueur:
- Fin définitive des rabais à l’achat dès janvier 2027
- Introduction d’une redevance annuelle pour les propriétaires de véhicules électriques et hybrides rechargeables
- Suppression des accès gratuits aux ponts à péage et aux traversiers pour les véhicules à plaque verte à partir d’avril 2027
Ces mesures devraient générer des revenus substantiels pour le gouvernement québécois: environ 380 millions de dollars provenant des redevances annuelles et 75 millions supplémentaires grâce à la fin des accès privilégiés, le tout d’ici l’année fiscale 2029-2030.
Un changement de paradigme
Cette nouvelle orientation budgétaire marque un virage philosophique important. Le gouvernement passe d’une logique d’incitation à l’adoption massive des véhicules électriques à une approche où les propriétaires de ces véhicules, « en tant qu’utilisateurs du réseau routier et bénéficiaires du transport collectif », doivent contribuer équitablement au financement des infrastructures qu’ils utilisent.
Ce changement s’explique en partie par le succès même du programme d’électrification: plus le nombre de véhicules électriques augmente, moins l’État perçoit de taxes sur les carburants, créant ainsi un déficit croissant dans le financement des infrastructures routières.
Implications pour les consommateurs québécois
Pour les consommateurs, ce budget envoie un message clair: la fenêtre d’opportunité pour profiter des incitatifs gouvernementaux se referme progressivement. Ceux qui envisagent l’achat d’un véhicule électrique disposent désormais d’un calendrier précis pour prendre leur décision.
À plus long terme, les propriétaires de véhicules électriques devront intégrer dans leur calcul du coût total de possession une nouvelle variable: la redevance annuelle. Bien que le montant exact de cette redevance n’ait pas encore été précisé dans le budget, elle constitue un élément qui pourrait influencer l’attrait financier des véhicules électriques par rapport aux modèles traditionnels.
Une transition qui reflète la maturité du marché
Cette évolution budgétaire témoigne de la maturité croissante du marché des véhicules électriques au Québec. Depuis l’introduction des premiers incitatifs en 2012, la technologie a considérablement évolué, les prix ont commencé à baisser et l’offre s’est diversifiée.
Le gouvernement semble ainsi considérer que d’ici 2027, les véhicules électriques seront suffisamment compétitifs pour se vendre sans le soutien financier de l’État, notamment grâce à:
- La baisse continue du coût des batteries
- L’augmentation des volumes de production
- La multiplication des modèles disponibles dans toutes les gammes de prix
- Le développement des infrastructures de recharge
Vers un équilibre budgétaire et environnemental
En annonçant ces changements avec un préavis de près de deux ans, le gouvernement du Québec cherche à gérer cette transition de manière équilibrée. D’un côté, il maintient temporairement son soutien à l’électrification des transports pour atteindre ses objectifs environnementaux. De l’autre, il prépare l’avenir en mettant en place un modèle de financement plus durable pour les infrastructures de transport.
Ce virage s’inscrit dans une tendance observée dans plusieurs juridictions pionnières de l’électrification des transports: à mesure que le marché des véhicules électriques mûrit, les gouvernements réévaluent leurs programmes d’incitatifs pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Conclusion
Le budget 2025-2026 du Québec marque clairement la fin d’une époque pour les véhicules électriques dans la province. Après avoir joué un rôle moteur dans l’adoption massive des VÉ, le gouvernement signale qu’il est temps pour ce secteur de voler de ses propres ailes, tout en contribuant équitablement au financement des infrastructures collectives.
Pour les Québécois, le message est clair: si vous envisagez l’achat d’un véhicule électrique avec l’aide du gouvernement, le compte à rebours est lancé. Cette transition vers un nouveau modèle témoigne du succès même de la politique d’électrification des transports du Québec, qui entre désormais dans une nouvelle phase de son développement.