Le cargo Morning Midas dérive actuellement quelque part dans l’océan Pacifique, abandonné par son équipage et toujours en proie aux flammes. Ce navire transportait environ 3 000 véhicules à destination du Mexique, dont près de 800 voitures électriques. Malgré l’intervention rapide de l’équipage, les procédures de lutte contre l’incendie ont échoué à maîtriser les flammes qui avaient débuté sur le pont où étaient stockés les véhicules électriques.
Cette nouvelle tragédie maritime s’ajoute à l’explosion du ferry norvégien Ytterøyningen le 11 octobre dernier a brutalement remis sur la table des questions qu’on croyait réglées. Ce ferry hybride, équipé d’un banc de batteries équivalent à plus de 20 voitures électriques Tesla, a connu une déflagration le lendemain d’un incendie dans son compartiment de batteries.
Quand l’eau de mer devient l’ennemie
Le rapport préliminaire de l’incident, publié mi-décembre par le fournisseur de batteries Corvus, révèle un paradoxe troublant. Le système d’extinction d’incendie à l’eau de mer, installé comme mesure de sécurité supplémentaire, pourrait avoir contribué à l’explosion. La théorie de Corvus est que l’eau salée a pu provoquer des courts-circuits dans le système électrique.
Douze personnes ont été exposées aux gaz émis par les piles au lithium, présentant des symptômes comme des maux de tête et des démangeaisons. Heureusement, les effets sont restés modérés et les personnes n’ont été hospitalisées que pour observation pendant un ou deux jours.
— Qui aurait cru que l’eau de mer, ce remède universel contre les incendies en mer, deviendrait un facteur aggravant pour les batteries électriques ?
Le mythe du véhicule électrique incendiaire
Pourtant, les statistiques continuent de plaider en faveur du véhicule électrique. De récentes données de la Swedish Civil Contingencies Agency montrent même que les véhicules électriques seraient « 20 fois moins susceptibles de prendre feu que les voitures à essence ou diesel ». L’agence suédoise dénombre 23 incendies de modèles électriques en 2022 sur un parc national de 611 000 véhicules, soit un taux de 0,004 %, contre 3 400 incendies sur les 4,4 millions de voitures thermiques.
L’affaire du cargo Fremantle Highway illustre parfaitement cette distorsion de perception. Lorsque ce navire transportant 3 784 voitures neuves dont 498 véhicules électriques a pris feu en juillet 2023, les premières accusations se sont portées sur les batteries lithium. Mais n’est-ce pas fascinant de voir comme l’humain cherche toujours un bouc émissaire technologique?
Les investigations ultérieures ont démontré le contraire. Les ponts supérieurs, sur lesquels il n’y avait pas de voitures électriques, « sont tellement endommagés qu’il est difficile d’y marcher ». Les voitures qui s’y trouvent sont carrément « soudées au sol ». De quoi mettre quasiment hors de cause les véhicules électriques.
L’industrie navale entre innovation et précaution
Alors que certaines compagnies bannissent les véhicules électriques, d’autres investissent massivement dans l’électrification navale. Le 2 mai 2025, le constructeur naval australien Incat a lancé le Hull 096, le plus grand navire électrique jamais construit. Il peut transporter jusqu’à 2 100 passagers et 225 véhicules.
Ce ferry révolutionnaire embarque un système de batteries de plus de 250 tonnes, offrant une capacité énergétique de plus de 40 MWh. En Norvège même, malgré l’incident du Ytterøyningen, le développement de la flotte électrique continue. Le pays, où près de 80% des voitures vendues sont électriques, jongle entre innovation et sécurité.
La compagnie Havila Kystruten a pris la décision radicale d’interdire les voitures à batterie sur ses quatre navires de croisière. « Un incendie dans une voiture électrique devient très chaud, et il peut y avoir un risque d’explosion avec dégagement de gaz toxiques », justifie le responsable de la communication.
Nouvelles règles et nouvelles précautions à venir
Face à ces défis, l’industrie s’adapte rapidement. « Ce qu’ont remarqué les marins-pompiers de Marseille et les équipes qui travaillent sur ces feux, c’est que les risques d’autocombustion et de propagation d’incendie augmentent lorsque la batterie est chargée au-delà de 30% », explique le directeur de la flotte de Corsica Linea.
Cette limite de charge de 30% devient progressivement la norme chez plusieurs armateurs français. L’Agence européenne de sécurité maritime recommande même de charger les batteries entre 20 et 50% seulement pour le transport maritime.
Selon les experts, jusqu’à 150 000 litres d’eau peuvent être nécessaires pour éteindre un incendie dans une voiture électrique, soit nettement plus qu’un véhicule thermique. Cette réalité pousse les constructeurs navals vers des solutions innovantes — systèmes de détection précoce, compartiments spécialisés, couvertures ignifuges.
FAQ : Véhicules électriques et sécurité maritime
L’incident du ferry norvégien remet-il en question la sécurité des véhicules électriques ?
L’explosion du Ytterøyningen soulève des questions spécifiques à l’environnement maritime, notamment l’interaction entre l’eau salée et les systèmes électriques. Cependant, les statistiques globales montrent toujours que les véhicules électriques sont moins susceptibles de s’enflammer que les thermiques.
Pourquoi limiter la charge des batteries pour le transport maritime ?
Les batteries chargées au-delà de 30% présentent des risques accrus d’autocombustion et de propagation d’incendie selon les retours d’expérience des marins-pompiers. Cette précaution devient une norme chez plusieurs armateurs.
Les ferries électriques sont-ils plus sûrs que le transport de véhicules électriques ?
Les ferries entièrement électriques, comme le Hull 096, sont conçus spécifiquement pour cette technologie avec des systèmes de sécurité adaptés. Ils représentent une approche différente du transport de véhicules électriques sur navires conventionnels.
Quelle est la position de l’International Union of Marine Insurance ?
Selon l’IUMI, « les véhicules électrifiés ne constituent pas une préoccupation majeure ». Un seul incendie à bord d’un navire a officiellement été attribué à un modèle électrifié.
Que font les autorités pour encadrer ces transports ?
L’OMI (Organisation maritime internationale) travaille actuellement sur de nouvelles règles de sécurité applicables au transport de véhicules électriques. L’objectif est d’appréhender en sécurité les dangers inhérents aux batteries lithium.



